INTRODUCTION
L'invitation à la recherche sur la vie
religieuse de Somain au dix-neuviÈme siÈcle , lancée par monsieur Pierre
Thomas , est à l'origine de cette maitrise . Sociétaire des Amis du Vieux
Somain , l'auteur tient par cette étude à participer aux recherches
entreprises sur le passé de la ville .
La longue période (1839-1914 soit plus de soixante-dix ans)
déterminée par l'auteur et son professeur correspond au basculement sociologique
, démographique , industriel , économique et par conséquent religieux de la
ville de Somain .
Le choix de la ville de Somain se justifie à plusieurs titres .
Il s'agit avant tout d'une commune appartenant à l'Archevêché de Cambrai ; or ,
le dit archevêché n'a pas été l'objet d'une grande thÈse comme l'a été le
diocÈse d'Arras . De plus , Somain connaÎt au dix-neuviÈme siÈcle un
bouleversement qu'il convenait de mettre en évidence . La découverte du charbon
en 1839 marque le décollage industriel de la cité . De sorte que le vieux bourg
rural , habitué à la culture du lin et à ses traditions chrétiennes , devient en
quelques décennies un centre minier important doublé d'un noeud ferroviaire
essentiel . Aussi est-il intéressant de constater et d'expliquer l'évolution
religieuse de la paroisse et de ses habitants face à cette industrialisation
dans la période concordataire ( à un moment o- le clergé garde un
rang de notabilité trÈs prononcé
dans les communes rurales ) .
A premiÈre vue , on ne voit pas bien l'intérêt qui nous porte à
étudier l'aspect religieux d'une ville comme Somain : La paroisse de Somain
n'est même pas le siÈge d'un décanat ; le prêtre desservant reçoit la charge
honorifique de vice-doyen en 1846 mais dépend du doyen de Marchiennes . De plus
, la commune de Somain n'a jamais été d'une importance particuliÈre : elle n'est
même pas le centre du canton ; elle est enclavée entre trois villes qui ont
toujours monopolisées la notoriété : Douai , Valenciennes et Cambrai .
Aujourd'hui même , la ville représentative du canton demeure Marchiennes (malgré
la différence de population) . Cependant , quelques éléments nous portent à
nuancer ces affirmations et à comprendre un tel choix . Somain appartenait jadis
à un cadre religieux particulier . Avant la révolution , la paroisse était
propriété d'une seigneurie ecclésiastique détenue par l'abbaye de Cysoing . Pour
asseoir son pouvoir sur place , l'abbaye de Cysoing disposait d'une filiale : le
prieuré de Beaurepaire . Le curé de Somain était d'ailleurs un régulier de
Beaurepaire . De même , au dix-neuviÈme siÈcle , plusieurs indices nous prouvent
la relative importance du fait religieux à Somain : l'inamovibilité des prêtres
en place montre assez bien que la paroisse est un centre recherché , un
aboutissement dans une carriÈre de desservant . La création de deux
paroisses spécifiques consacrées aux mineurs suppose d'autre part une population
en augmentation constante . Quant aux populations liniÈres , elles sont
attachées de tradition aux pratiques religieuses . Enfin , il est intéressant de
montrer les conséquences religieuses de l'arrivée de deux populations ouvriÈres
trÈs marquées : les mineurs et les cheminots .
A quoi correspondent les deux dates limites choisies par
l'auteur ? Si le choix de la longue durée s'est révélé le meilleur , c'est qu'il
suppose de saisir non pas une évolution mais des évolutions . En 1839 un
faisceau houiller est découvert au sud de la ville : c'est le véritable point de
départ au processus d'industrialisation . A l'autre extrême , 1914 apparaît
comme la fin d'une époque : l'Eglise n'est plus cette institution dominante .
1914 est l'année du déclenchement d'une guerre généralisée qui devait être la
"der des ders" ; la lutte contre l'ennemi héréditaire rassemble chrétiens et
anticléricaux au sein d'une même armée , dans les mêmes tranchées , au bénéfice
d'une union sacrée pour la gloire de la patrie . Pourtant , on ose à peine
imaginer ce dessein quelques années plus t"t !
Entre ces deux dates charniÈres , on a tenté d'esquisser un
tableau religieux de la ville de Somain .
Aussi , en guise d'introduction ,
il nous a paru utile de tirer les conséquences de la Grande Révolution sur le
climat religieux de la paroisse . La restauration religieuse est l'œuvre du
premier prêtre de l'époque contemporaine Charles Renet (1810-1840) . Ce
desservant , à la fois simple dans sa façon d'être et soucieux de ses
prérogatives , achÈve la pacification des esprits durant trente années de
paisible sacerdoce .
Les années quarante voient la découverte du charbon dans
la cité et son lot de conséquences . Aussi , le nouveau desservant Isidore
Carpentier (1840-1870) , inscrit son ministÈre dans un cadre nouveau qui évolue
au rythme de l'industrialisation . Marqué par les ruines produites par la
révolution , il se veut curé bâtisseur : il agrandit l'édifice du culte , il
fonde une école de jeunes filles . L'unanimité religieuse semble encore
apparente . Mais l'industrialisation contribue à l'arrivée de nouvelles
populations déchristianisées auxquelles il faut porter attention . Ce processus
d'industrialisation est continu et progressif .
La mort de l'abbé Carpentier
en 1870 et son remplacement par Charles Buzin correspond à une nouvelle période
pour la paroisse : la symétrie du changement somainois avec la chute de l'empire
est frappante . Aussi la mise en place de la troisiÈme république annonce-t-elle
le déclin de l'influence du clergé dans la vie de la nation ? Il semble en effet
que les derniÈres années du siÈcle marquent la fin de l'âge d'or du prêtre
concordataire . L'abbé Buzin , ultramontain et autoritaire , se débat dans les
difficultés pour sauvegarder la qualité chrétienne de sa paroisse . Il est alors
question d'anticléricalisme , de prêtrophobie , de luttes scolaires et de
déchristianisation . Toutes ces questions s'inscrivent dans le changement du
tissu social des populations : il y a de plus en plus de mineurs , de cheminots
, d'ouvriers et de moins en moins de cultivateurs .
Une nouvelle étape apparaÎt avec le nouveau siÈcle . Le
clergé s'interroge : siÈcle de tous les dangers ? En fait , l'avant-guerre est
une période à la fois difficile et consolante pour l'Eglise : les premiÈres
années du siÈcle consomment le mariage raté entre l'Eglise et l'Etat ; les
années qui suivent préparent un certain renouveau dans une Ère de liberté , en
similitude avec l'arrivée d'un nouveau prêtre , l'abbé Joseph GuéquiÈre
.
Si cette étude est locale , elle ne s'inscrit pas dans un cadre
fermé . Aussi nous est-il permis d'aborder , pour mieux situer le contexte
général l'évolution de la vie religieuse , politique et économique du canton ,
du diocÈse et du pays . Pour avoir connaissance des différents aspects du
dix-neuviÈme siÈcle , nous nous sommes reportés à divers travaux qui ont été
d'une aide appréciable tant au point de vue de la méthode qu'au point de vue des
connaissances . Je ne citerai ici que quelques recherches essentielles à notre
cheminement : la thÈse d'Yves-Marie Hilaire sur la vie religieuse des
populations du diocÈse d'Arras , différentes maÎtrises réalisées par les
étudiants de Lille III , les nombreux travaux de Pierre Pierrard , les diverses
recherches des sociétaires des Amis du Vieux Somain . Pour d'autres références ,
on peut consulter la bibliographie placée en fin d'ouvrage .
Il faut maintenant souligner , compte tenu de l'étendue et de
l'ambition du sujet , le grand éparpillement des recherches et le grand nombre
de sources abordées : archives départementales , paroissiales , locales ,
privées . Quelques difficultés nous sont apparues . En premier lieu , on peut
déplorer les faibles indications permettant de caractériser les pratiques
religieuses locales : heureusement , nous avons pu compter sur les chiffres de
mission . De même , l'absence d'archives municipales , détruites le 24 août 1914
dans l'incendie de la mairie suite au passage des uhlans , est
préjudiciable à une bonne compréhension des évÈnements marquants de la ville .
Parfois , nous n'avons pu compter que sur les trÈs cléricales observations des
prêtres . Tout au moins , les réflexions des desservants donnent la teneur du
climat politique local et du cléricalisme ambiant .
Ce sujet , qu'il a fallu préciser et orienter au fur et à mesure
, se trouvait d'autant plus intéressant qu'il permettait de consulter les
archives manuscrites de la paroisse , résultat des investigations de l'abbé
Dubois au siÈcle dernier . Ces archives ont été essentielles dans
l'approche de l'auteur . Ce travail ne se limite uniquement à l'aspect religieux
même s'il est le fondement de l'essai : l'imbrication du religieux dans l'Etat
(le clergé est payé par l'Etat) , dans la politique et la société (l'Eglise est
une véritable institution) oblige le rédacteur à amorcer une réflexion d'ordre
plus générale . Aussi , cette histoire religieuse de Somain ne se veut pas un
essai hagiographique sur les différents prêtres et leurs oeuvres . Cette étude
veut apparaÎtre comme une synthÈse qui dégage des évolutions et des faits . Il
est donc nécessaire d'aborder l'influence des grands courants spirituels ; il ne
faut pas négliger les liens trÈs étroits entre la vie politique et religieuse :
la question romaine et le problÈme scolaire démontrent bien l'imbrication de ses
différents aspects .
Qu'il me soit permis maintenant de remercier tous ceux qui
ont bien voulu m'apporter leur aide . Tout d'abord , je tiens à souligner le
formidable soutien des sociétaires des Amis du Vieux Somain : je pense
particuliÈrement à monsieur Pierre Thomas , son historien patenté , à madame
Rolande Goube , secrétaire et à monsieur Claude Durut , président . Je remercie
également monsieur le Doyen de Somain et son secrétaire attitré pour leur
accueil amical , les archivistes départementaux et les différentes congrégations
qui ont bien voulu me fournir ou mettre à disposition des archives . Un grand
merci enfin à mon directeur de maÎtrise , monsieur Yves-Marie Hilaire , qui a su
m'écouter , me conseiller et m'encourager tout au long de cette recherche .